Curnonsky (Maurice Edmond Saillant dit Curnonsky) : Écrivain, journaliste et gastronome français (Angers, Maine-et-Loire 1872 – Paris 1956).
Venu à Paris en 1891 pour y faire des études littéraires, il décida vite de vivre de sa plume. Comme il cherchait un pseudonyme, l’écrivain et humoriste français Alphonse Allais (1856-1905) lui suggéra, l’heure étant à l’amitié franco-russe, « pourquoi pas "sky"», ce qui fut immédiatement traduit en latin : Cur (« pourquoi ») non (« pas ») sky. Collaborant à divers journaux, il devint surtout l’un des «nègres» de Willy, premier mari de l’écrivaine Colette (1873-1954) et auteur fécond de romans et de pièces. Avec son ami Toulet, autre nègre de Willy, il publia, sous le pseudonyme de Perdiccas, plusieurs ouvrages à succès (Demi-Veuve, Métier d’amont). Ces travaux le firent connaître dans le milieu de l’édition, et il prêta sa plume au fantaisiste Dranem, ainsi qu’au duc de Montpensier.
Curnonsky mit finalement son expérience, son talent d’homme de lettres et son solide appétit d’Angevin au service de la gastronomie quand il entreprit, en 1921, avec son ami Marcel Rouff, la rédaction de la série des vingt-huit opuscules de la France gastronomique. Ce tour de France de deux « gastronornacles» (le néologisme est de lui) initia des milliers de lecteurs aux richesses gourmandes du terroir. Aussi, quand la revue le Bon Gîte et la Bonne Table organisèrent, en 1927, un référendum pour élire le « prince des Gastronomes », la couronne échut à Curnonsky. Avec sa taille de 1,85 m et ses 120 kg, « Sa Rondeur» a laissé, tant chez Maxim’s que chez Weber ou à la Closerie des Lilas, dont il était un habitué, le souvenir d’un appétit solide. On lui doit les Recettes des provinces de France, le Trésor gastronomique de la France (avec Austin de Croie, 1933) et les Fines Gueules de France (avec Pierre Andrieu, 1935). Il fut également le fondateur et le premier président de l’Académie des gastronomes (1930). Il pratiquait volontiers l’aphorisme à la manière de Brillat-Savarin. Mais il chercha surtout à redonner du prestige à la cuisine bourgeoise et provinciale, par opposition à la sophistication de certains grands restaurants parisiens. Ainsi sa formule la plus couramment citée : « la bonne cuisine, c’est lorsque les choses ont le goût de ce qu’elles sont ».
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Curnonsky trouva refuge à Riec-sur-Bélon, chez Mélanie Rouat, l’une de ses « découvertes », qui tenait un petit hôtel–restaurant dont il avait fait la renommée et où il continua d’écrire.
On cite de lui cette distinction mi-culinaire, mi-politique de ses compatriotes : « L’extrême droite n’admet que la grande cuisine des banquets diplomatiques ; la droite aime la cuisine familiale traditionnelle, les vieilles liqueurs et les plats mijotés ; le centre apprécie le régionalisme et pratique les restaurants ; la gauche s’en tient à la cuisine sur le pouce (omelette et tranche de jambon), mais pratique le gastronomadisme ; et l’extrême gauche rassemble les amateurs d’exotisme. ».
Pour ses quatre-vingts ans, le 12 octobre 1952, sur l’initiative de la revue Cuisine et Vins de France (qu’il avait fondée en 1946) et de Robert Courtine, quatre-vingts restaurateurs d’Île-de-France apposèrent dans leur salle, à la place que le « Prince » occupait habituellement, une plaque de cuivre portant ces mots : Cette place est celle de Maurice Edmond Sailland Curnonsky, Prince élu des Gastronomes, Défenseur et Illustrateur de la cuisine française, Hôte d’honneur de cette maison
Curnonsky revint à Paris dans les années 1950 pour connaître jusqu’à sa mort en 1956 (il tomba d’une fenêtre située au 3e étage de son immeuble de la place Henri-Bergson, dans le 8ᵉ arrondissement de Paris) une gloire sans partage.