Boucanage : Le boucanage est une méthode de conservation de la viande et du poisson qui consiste à les fumer pendant de longues heures. C’est une tradition millénaire utilisée par les hommes (les boucaniers) séjournant en forêt pour la chasse. Un boucanier (de boucan, gril ou claie de bois sur lesquels la viande ou le poisson était fumés, terme issu d’un dialecte des indigènes des Caraïbes, du tupi « grille en bois servant au fumage ») est à l’origine un coureur des bois de Saint-Domingue qui chassait les bœufs sauvages pour en boucaner la viande, c’est-à-dire la sécher à la fumée sur le boucan.
Reprenant à leur compte les techniques des Indiens pour fumer et griller la viande, les boucaniers la faisaient cuire en fines lanières sur un gril de bois (le « boucan ») fait de claies de branches échafaudées au-dessus d’un feu de bois vert, de feuilles et de plantes odorantes. Cette forme de cuisson fumée permettait une excellente conservation de la viande. Quant aux peaux, arrosées de gros sel, elles séchaient rapidement au soleil.
Cette technique du boucanage est encore répandue de nos jours, surtout en Amérique du Sud, aux Antilles et dans l’océan Indien.
Pour fumer la chair, on la pose sur un boucan, support qui était à l’origine une claie de bois et est devenu :
– un tripode (à trois pieds soutenant une grille où sont posées les viandes et les poissons à fumer) appelé « boucan de bivouac » ou – un quadripode (à quatre pieds soutenant là aussi une grille) appelé « boucan de camp de base ».
Par métonymie, les aliments préparés sur le boucan portent le même nom.
Le terme boucanage est utilisé comme synonyme courant de fumage au moins depuis le XVIIIe siècle, comme l’atteste l’entrée « Boucaner » dans le Dictionnaire critique de la langue française de Jean-François Féraud.
Le Dictionnaire de l’Académie française, dans sa première édition de 1694, ne donnait à ce terme que le sens de cuisson, de rôtissage, et non de fumage (« Faire cuire, faire rostir la viande à la manière des Sauvages »).
Dans son Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, Antoine Furetière, en 1690, associait pourtant déjà rôtissage et fumage, et précisait que boucaner avait été au départ une pratique anthropophagique : « Ces mots [boucaner, boucanier] viennent de boucan, dont les Caraïbes, peuple des Antilles, se servent pour signifier une claie, sous laquelle ils font du feu pour rôtir et fumer les prisonniers qu’ils ont pris, et qu’ils mangent ensuite. Ainsi, boucaner, c’est proprement, faire rôtir ou fumer la chair et le poisson : ce que font maintenant les boucaniers qui se sont habitués dans ces îles ».
En 1694, le Dictionnaire étymologique de la langue françoise de Gilles Ménage, cite le pirate Alexandre-Olivier Exquemelin qui affirme « Ils nomment ces clayes barbacoa, et le lieu où elles sont, boucan, et l’action boucaner, pour dire rôtir et fumer tout ensemble. C’est de là que nos Boucaniers ont pris leur nom : avec cette différence, que les uns font aux animaux ce que les autres font aux hommes ».
Émile Littré, dans le supplément à son Dictionnaire de la langue française, évoque une autre étymologie au terme boucan : « M. Roulin pense qu’il vient du mot caraïbe boucacoui ou boucaboui, blesser avec une flèche ; le mot a passé au sens du gibier tué à la chasse ; puis de là au gril sur lequel on faisait cuire ce gibier. »
Certains linguistes font remonter le mot « boucanage » à la racine gauloise bouk, s’appuyant que le fait que les Gaulois fumaient leurs viandes et les entreposaient dans des granges différentes de celles qui servaient à la conservation des grains et dont on trouve trace dans des actes du Moyen Âge ; de cette racine viendrait le nom de très nombreuses localités (comme Bouxwiller, Bouchingen, Boucq ou Bouconville) en Meurthe, Meuse, Moselle, dans le Bas-Rhin et les Ardennes.