Babeurre : n.m. Le babeurre est un liquide blanc et séreux, appelé lait de beurre, qui reste après le barattage de la crème dans la préparation du beurre. Le babeurre a un gout aigrelet, traditionnellement issu du lait frais ou fermenté après la fabrication du beurre par barattage ; il est aussi fabriqué directement à partir du lait frais par ajout de ferments. Cet aliment digeste sert de boisson et intervient dans la préparation de divers mets, sur tous les continents. Il peut être consommé cru ou cuit.
Le babeurre est aussi le bâton qui sert à battre le beurre dans la baratte.
Note : le babeurre est souvent confondu à tort avec le petit-lait.
Babeurre, en tant que produit dérivé de la crème du lait, vient de l’adjectif dépréciatif « bas » et du mot babeurre » (il s’est écrit « bas-beurre »).
En tant que bâton actionné pour battre la crème et former le beurre, babeurre vient de « battre » et de « beurre » ; ce mot s’est d’ailleurs écrit « bat-beurre ».
Le babeurre est également appelé « lait battu », « battue », « lait de beurre » ou « lait baratté » et même « petit lait ».
Le Dictionnaire des sciences naturelles affirme en effet, au XIXe siècle, : « Quand on a battu la crème pour en réunir les parties grasses qui forment le beurre, il s’en sépare une liqueur, composée presque entièrement du sérum du lait, connu sous le nom de petit-lait, et de quelques parties butireuses et caséeuses. ». Émile Littré reprend cette définition.
Bien que l’expression « petit lait » soit synonyme, au XXIe siècle, du lactosérum (voir schéma ci-dessous), elle est parfois encore utilisée pour le babeurre.
D’autres appellations sont utilisées régionalement : « guinse » en Ch’ti, « bouri » en wallon de Liège, « betteuze » dans les Vosges, « lait ribot » en Bretagne (pour le lait baratté comme pour le lait fermenté), etc.
Les buttermilk anglais, Buttermilch allemand et botermelk néerlandais reprennent littéralement la notion de « lait de beurre ».
Dans les pays occidentaux, le babeurre est extrait du lait fraichement trait ou, plus souvent, de la crème du lait par barattage. Cette opération déstabilise l’émulsion que constituait la crème, créant l’agglomérat des globules gras du lait, qui forme le beurre, et un liquide constitué du sérum de la crème et des débris de la membrane des globules. Ce babeurre conserve une concentration en lipides complexes de 1 600 mg/l.
Le babeurre peut également être fabriqué à partir d’huile de beurre ; dans ce cas, il présente une concentration de lipides complexes plus élevée.
Comme le lait, le babeurre peut être transformé en poudre qui contient de 4 à 12 % de matière grasse dont un tiers de phospholipides et d’autres gras polaires. Au frais et au sec, cette poudre se conserve 6 mois.
Dans les années 1990, on crée aussi du babeurre en ajoutant une culture bactérienne à du lait. La qualification de babeurre « artificiel » a disparu au XXIe siècle ; les anglophones utilisent cependant la dénomination de cultured buttermilk pour différencier le babeurre obtenu par ensemencement du lait de celui produit par le procédé traditionnel du barattage.
En Afrique et en Asie, il est issu du yaourt. Dans les pays où la température est élevée et où manquent les infrastructures de réfrigération, le lait est en effet souvent conservé acidifié ou caillé ; babeurre et beurre sont donc issus du lait acidifié et le babeurre coagulé peut y être transformé en fromage maigre et en lactosérum.
En Inde, on fabrique le beurre en fabriquant d’abord un yaourt entier de manière traditionnelle, en faisant bouillir du lait, qui une fois tiède est ensemencé avec les ferments adéquats, puis mis à refroidir pendant la nuit ; le lendemain, on ajoute de l’eau au yaourt (plus ou moins selon la température ambiante) et on le baratte pour en obtenir beurre et babeurre ; on garde une petite quantité de ce dernier pour l’ensemencement du lait qui deviendra yaourt et beurre le jour suivant.
Le gout aigrelet du babeurre résulte principalement de la présence d’acide lactique naturellement produit par la fermentation du lactose, principal sucre du lait. Lorsque l’acide lactique est produit par les bactéries, le pH diminue et la caséine, principale protéine du lait, se coagule, rendant le liquide plus épais que le lait frais. C’est cette acidité qui restreint les possibilités de développement des micro-organismes potentiellement nuisibles et donne une bonne durée de vie du produit.
Le babeurre est plus faible en matières grasses et calories que le lait ordinaire. Il est riche en potassium, en vitamine B12 et en calcium que le corps absorbe aisément car le babeurre se digère plus facilement que le lait.
La poudre de babeurre comporte (en g/100 g) :
– Eau : 2.8-3.8 ;
– Lipides : 3-6 ;
– Protéines : 3.3-3.6 ;
– Glucides : 4.7-4.9 ;
– Cendres et sels minéraux : 7-8.
Cru, le babeurre se consomme comme boisson, soit nature (pour accompagner le Kalakukko ou les crêpes de blé noir, par exemple), soit aromatisé (notamment avec de la grenadine, comme en Bretagne et en Belgique). Il entre aussi dans la préparation de divers mets (la tarte au maton de Grammont, les gaufres de Binche, le Boxty irlandais, la traditionnelle Buttermilk pie du sud des États-Unis, les koldskål et les kammerjunker (biscuits danois), etc.). C’est un émulsifiant naturel utilisé en boulangerie, en pâtisserie et dans la confection de crème glacée. Il convient parfaitement pour préparer des sauces fraîches additionnées d’herbes aromatiques et de jus de citron. Les Wakhis l’utilisent comme liant pour les mets farineux.
Les Indiens et les Wakhis le filtrent parfois. Le filtrat est utilisé par les premiers « revenu avec des épices comme un légume, ou employé comme cosmétique sur le corps et les cheveux ». Les seconds ajoutent un peu d’eau à ce tchka pour pouvoir y tremper le pain, ou le laissent épaissir pour en former des boules qui, séchées, constituent le tchkakryt, qu’on ajoute à la nourriture ; ils se servent aussi du babeurre pour humecter les galettes de pain avant de les faire cuire contre les parois de l’âtre, ce qui leur donne un aspect blanc.
En Belgique, le babeurre peut être transformé en un fromage blanc léger appelé maquée en Wallonie, « platte kaas » en Flandre.
Le babeurre peut aussi être cuit, ce qui lui donne une consistance crémeuse ou pâteuse, selon le degré de cuisson. Crémeux et sucré à la cassonade, il constitue une recette traditionnelle populaire de Belgique et du nord de la France. Pâteux, il est formé par les Wakhis en boules qui sèchent sur les toits ou sur des pierres pour devenir du queryt.
Partout le babeurre s’est révélé un aliment d’importance :
– En Europe, « l’usage du babeurre est très-ordinaire dans les lieux où l’on fait beaucoup de beurre ; en Hollande, par cette raison, il devient un aliment commun, et tellement estimé que les domestiques ne s’engagent que sous la condition qu’on leur en donnera une ou deux fois par semaine. On l’emploie quelquefois à faire du potage ; on le mange encore sous d’autres formes, en y ajoutant de la mêlasse et différents ingrédients ».
On en humecte aussi le son dont on nourrit les volailles de basse-cour et les bestiaux. Le babeurre intervient comme culture dans la fabrication de la feta, du queso blanco, du fromage de brebis ; il peut intervenir comme produit d’inoculation pour la coagulation à l’acide utilisé pour la fabrication du fromage frais. On en fabrique le gaperon en Auvergne et le sarasson, fromage lissé cité par l’agronome français Olivier de Serres en 1600, dans le Forez et le Vivarais.
– En Inde, la fabrication du beurre est fondamentale tant sur le plan économique que rituel, et le babeurre fabriqué à la maison est distribué et bu dans la matinée, ou emporté aux champs non filtré. Le babeurre y présente donc une importance alimentaire mais aussi sociale par son renouvellement quotidien et sa distribution ; il y constitue parfois une rémunération en nature pour les « intouchables ».