« Il faut à mon avis écrire pour plaire à un seul lecteur : soi-même. »
(Vladimir Nabokov)
Le Fairmont Montreux Palace est un hôtel 5 étoiles riche d’histoire situé à Montreux dans le canton de Vaud, à quelques mètres des rives du lac Léman. Aujourd’hui, cet hôtel offre à ses clients un décor luxueux de style Belle Epoque combiné au confort et à la technologie de pointe du XXIème siècle : 236 chambres et suites, trois restaurants pour satisfaire toutes les papilles, plus de 2000 m2 dévoué au bien-être, à la santé et à la détente ainsi que 14 salles de conférences et banquet pouvant accueillir jusqu’à 1’200 personnes.
Après le vol et le saccage de leur chalet dans le Valais, c’est Peter Ustinov (1921-2004), le comédien britannique, célèbre pour avoir incarné le personnage d’Hercule Poirot à l’écran, qui a conseillé au couple Nabokov de s’installer au Montreux Palace en octobre 1961.
Deux ans plus tôt, l’auteur de Lolita, âgé de soixante ans, a tourné la page de ses années universitaires après deux décennies passées du côté de Cornell et de Harvard. Citoyen des États-Unis depuis 1945, il a retraversé l’Atlantique à bord du paquebot Liberté en octobre 1959 et dit au revoir à cette Amérique où il ne reviendra plus que pour ses affaires.
Au moment où s’ouvre le quatrième et dernier acte de sa vie après sa jeunesse russe, ses années d’apprentissage dans les capitales de la Vieille Europe et son exil américain, Nabokov a publié une quinzaine de grands livres et Lolita vient d’être adapté au cinéma par Stanley Kubrick. Mais il n’a pas encore tracé le dernier mot de l’œuvre ultime. Cet imaginatif porte en lui plusieurs romans qu’il veut se donner le temps d’écrire, dans le luxe, le calme et la volupté de la rive suisse du lac Léman que les romantiques ont célébré tout au long du XIXe siècle à la suite de Rousseau. Nabokov songe également à mettre de l’ordre dans ses cours de littérature et à terminer sa traduction anglaise d’Eugène Onéguine, le chef-d’œuvre d’Alexandre Pouchkine.
La Suisse s’est imposée comme une évidence pour servir de cadre à l’épanouissement infini de cet artiste maître de ses moyens. « Je suis un vieil homme qui tient à son intimité dans tous les domaines de la vie et qui préfère un isolement fructueux en Suisse à l’atmosphère stimulante mais distrayante de l’Amérique », explique Nabokov à ceux qui l’interrogent sur ce choix.
Outre la littérature, deux choses occupent l’existence de l’écrivain : les échecs et les papillons. Lépidoptériste distingué, l’auteur de Feu pâle s’est spécialisé dans les papillons de montagne adaptés aux hivers rigoureux et aux étés brefs qu’il a connus dans sa Russie natale. Après le Grand Ouest américain, c’est donc sous les pics blancs de neige des Alpes que se poursuivent ses chasses subtiles. À la gare de Montreux, un train à crémaillère lui permet de prendre de la hauteur à sa guise pour jouir d’une faune riche et d’une vue splendide sur le Léman et les Alpes valaisannes depuis les sites de Gilion (689 m), de Caux (1 050 m) et des Rochers-de-Naye (2 042 m). De retour de promenade son filet à la main, Nabokov a tout le loisir de « tirer une jouissance intense et des transports d’enthousiasme de la balustrade d’une terrasse à la tombée de la nuit » en travaillant l’ouverture sicilienne avec Véra, son épouse, sur le balcon de la suite 65 du Montreux Palace, où ils logent au sixième et dernier étage de l’aile du Cygne, édifiée l’année de la mort de Pouchkine, en 1837.
Aucun romancier du XXe siècle n’a plus naturellement séjourné à l’hôtel que Nabokov. Depuis ce jour terrible du 2 avril 1919, où il a fui la Russie avec ses parents, chassé par les bolcheviks triomphants de Sébastopol où sa famille avait trouvé refuge, ce déraciné n’avait plus de chez lui. En Suisse, il a songé à acheter une maison, mais cette idée est restée à l’état de projet. « Je n’ai pas beaucoup de goût pour les meubles, les tables, les chaises et les lampes et les tapis et ces choses-là », insistait-il. La vie à l’hôtel, jurait-il, « simplifie les problèmes postaux, élimine les tracas de la propriété privée ». Entre l’avenue des Alpes et la Grand-rue de Montreux, cet amateur de couchers de soleil et de jeux de lumière sur le lac a trouvé le bonheur et la paix.
Véra Evseievna Slonim, née juive à Saint-Pétersbourg, « extrêmement discrète et belle, d’une érudition littéraire phénoménale, avait rencontré Vladimir Nabokov le 8 mai 1923 lors d’un bal masqué à Berlin ». C’est elle qui a sauvé des flammes le manuscrit de Lolita qu’il voulait détruire. Elle qui, comme l’héroïne de La Vénitienne avait « un secret ricanement au coin des lèvres », fut son seul équilibre dans l’exil à Berlin, à Paris. Nabokov lui dédia tous ses livres et elle vécut au Montreux-Palace trente ans, de 1960 à 1990, dont treize années sans lui.
Il est émouvant de savoir qu’après la mort de son mari, le 2 juillet 1977, Véra Nabokov n’a jamais voulu abandonner le mode de vie qu’ils avaient adopté depuis leur retour en Europe. Malgré les sollicitations de son fils Dimitri, qui lui a suggéré de venir s’installer à ses côtés en Floride, elle est restée attachée à cette aile du Cygne du Montreux Palace où Vladimir avait rêvé et composé Ada ou l’Ardeur (1969), La Transparence des choses (1972) et Regarde, regarde les arlequins (1974). Seuls des travaux de rénovation ont pu obliger Véra à déménager dans un appartement loué en ville, quelques mois avant sa mort, le 7 avril 1991.
Installés face aux Alpes savoyardes, Vladimir et Véra Nabokov ont vécu de belles années au Montreux Palace. Le matin, l’écrivain travaillait à ses livres, l’après-midi, il allait se promener dans les alpages ou bien jouer au tennis. À l’automne, quand l’afflux de touristes avait cessé sur les bords du lac Léman, il aimait s’installer dans une chaise longue au bord de la piscine de l’hôtel. Des journalistes venaient le voir du monde entier. Ils les recevaient dans un « salon vert » qui existe toujours.
Ainsi Vladimir Nabokov a-t-il vécu le reste de son âge dans ce palace de Montreux, jugeant que cette résolution le confirmait dans son « habitude favorite : l’habitude de la liberté ». Il y avait dans ce choix une certaine logique chez un génial enchanteur à qui il a toujours semblé moins compliqué d’écrire un chef-d’œuvre que se préparer un café.
L’auteur de Lolita décéda en 1977 et sa précieuse collection de papillons fut léguée au Musée de zoologie de Lausanne. Vladimir et Vera Nabokov reposent aujourd’hui au cimetière de Clarens, à côté de Montreux.
Extrait de Ada ou l’ardeur écrit au Montreux Palace en 1969 : Ada et Van s’étaient séparés à l’hôtel des Trois Cygnes, à Mont-Roux, en 1905, c’est là qu’ils se donnent rendez-vous, en 1922, pour une « entrevue explorative ». Van a réservé les chambres 508, 509 et 510, qui ont « subi divers changements depuis 1905 »… « La femme de chambre avait tiré les rideaux. Il les ouvrit tous d’un geste brutal, décidé semble-t-il, à prolonger jusqu’à sa limite dernière la torture de cette journée. Le balcon avec ses ferronneries saillait suffisamment pour recueillir les rayons obliques du soleil. Il se rappela sa dernière et fugitive vision du lac, en ce sombre jour d’octobre 1905 où il s’était séparé d’Ada. Des fuligules montaient et s’abaissaient sur la houle grêlée de pluie, jouissaient de l’onde double avec application ; le long des quais, des spirales d’écume s’enroulaient sur la crête grise des vagues poussées vers le rivage mais aujourd’hui, en cette radieuse soirée d’été, le beau lac rêveur, frisé de vaguelettes vertes, ruché de bleu, s’étendait, vaste et serein, les surfaces lisses et claires alternant avec les espaces finement ridés… » Van attendait Ada. Soudain le téléphone du salon sonna. C’était elle… « la voix pétillait de toutes les caractéristiques mélodieuses qu’il connaissait, ou plutôt, reconnut sur le champ dans l’ordre où elles apparurent : cet entrain, ce débordement de plaisir quasi érotique, cette assurance et cette animation — sans compter, ce qui était particulièrement délicieux, le fait que, très innocemment, elle n’avait pas conscience des modulations qui le ravissaient ». Ada était dans le hall avec des problèmes de bagages, et elle l’attendait.
Fairmont Le Montreux Palace
100, Grand rue
1820 – Montreux – Suisse
Tél. : +41 (0) 21 962 12 12
Site internet : http://www.fairmont.fr/montreux/
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