Skrei (poisson) : Le skrei est un cabillaud (famille des Galidés) du Nord-est de l’Océan Arctique, qui vit dans la Mer de Barents et vient frayer chaque année, entre les mois de janvier et avril, dans l’archipel des Iles Lofoten dans le nord de la Norvège. Ce voyage de plusieurs centaines de kilomètres dans des eaux situées au nord du Cercle polaire est à l’origine du nom de ce poisson. Le mot Skrei vient en effet de l’ancienne expression viking « å skreide fra » (Skrida), qui signifie une avancée « à grandes enjambées », rapide.
Il mesure en moyenne entre cinquante centimètres et un mètre à l’âge adulte. Les plus gros spécimens dépassent 1 mètre cinquante. Ce cabillaud migrateur (Gadus morhua) est génétiquement et physiquement différent de son congénère le cabillaud côtier. Plus grand, sa forme est plus pointue et sa peau plus colorée.
En Norvégien, le mot « skrei » désigne le poisson quelle que soit sa forme et son apprêt, alors que la langue française fait la différence entre le cabillaud (poisson vivant ou prêt à être consommé frais) et la morue (cabillaud salé, séché ou salé et séché pour sa conservation).
La pêche au skrei remonte au 10ème siècle après Jésus-Christ lorsque les Vikings norvégiens, qui ont été parmi les premiers à faire le commerce de cabillauds, ont reconnu sa valeur. La première exportation de Skrei s’est faite vers l’Angleterre en 875 après J.C. Au début des années 1100, le roi Øystein I Magnusson a pris conscience de sa valeur et a ordonné à chaque pêcheur de lui payer une taxe de cinq Skreis.
Entre le neuvième et le onzième siècle, les Vikings partent à la conquête de l’Europe et attaquent l’Angleterre, l’Irlande et la France. Ils vont même en Méditerranée et jusqu’à Constantinople, apportant avec eux la base de leur alimentation : le skrei.
A partir du 14e siècle, c’est la puissante ligue hanséatique (La Hanse) qui assure la distribution du skrei à travers toute l’Europe chrétienne. La ville de Bergen, dans le sud de la Norvège devient en effet en 1360 l’un des quatre grands comptoirs de la puissante ligue hanséatique, avec Londres en Angleterre, Bruges dans les Flandres et Novgorod en Russie. Les échanges commerciaux liés au Skrei, appelé le Bergenshandelen en norvégien, permettaient la circulation de produits tels que le skrei vers l’Europe et la farine, le seigle, le malt, la bière, le matériel de pêche.
La Norvège est l’un des pays (avec le Japon) où l’on trouve les plus anciennes réglementations sur la pêche. Dès le 17ième siècle, les matériels de pêche jugés trop efficaces ont été interdits. À cette époque, on pêchait principalement selon une méthode appelée Jukse, c’est-à-dire avec une ligne, un hameçon et un leurre. Puis, d’autres méthodes sont apparues, comme le filet, accusé d’être une technique de riches et d’étrangers. Le rendement était meilleur, le filet ramenait à bord des prises plus importantes. Mais ces méthodes ont été accusées d’être à l’origine de la raréfaction du poisson. Des plaintes ont été adressées auprès du Roi et le résultat fut l’interdiction du filet. Dans l’archipel des Iles Lofoten, la première réglementation relative à la pêche est apparue en 1816.
Contrairement aux autres espèces de cabillauds qui ont beaucoup souffert des excès de la pêche industrielle en Islande ou aux abords de Terre Neuve, les réserves de skreis norvégien sont bonnes et ne sont aucunement menacées. En 2012, la biomasse totale dans la Mer de Barents est estimée à environ 2,8 millions tonnes, ce qui fait de cette population de cabillauds la plus importante au monde.
La reconnaissance de l’importance du Skrei a en effet contribué à transformer la pêche dans l’archipel des Lofoten en l’une des pêcheries les mieux organisées et les plus strictement réglementées au monde.
Dans les années 1990, le gouvernement norvégien a mis en place une très stricte politique de quotas de pêche du Skrei. Une autorité propre à la pêche contrôle de manière constante les activités de pêche et s’assure que la pêche ne commence pas avant une heure prédéterminée chaque jour. Les zones où ont lieu des activités de pêche sont réparties en fonction du matériel utilisé par les pêcheurs.
Les stocks de ce poisson sont depuis 2000 en progression. Les stocks de skreis dépassent les deux millions et demi de tonnes, pour un prélèvement annuel de 751 000 tonnes en 2012 (596.000 tonnes en 2009). Habituellement assez critique vis-à-vis de la politique environnementale des gouvernements, le Fonds mondial pour la nature (WWF : World Wild Fund for Nature) reconnaît et détaille l’efficacité de cette politique de quotas dans son rapport The Barents Sea Cod – the last of the large cod stocks.
Gastronomie : Le skrei est souvent surnommé par les chefs le roi des cabillauds. La délicatesse et la fermeté de sa chair très blanche font du skrei de Norvège un poisson exceptionnel qui se prête à de multiples créations culinaires. Par ailleurs, son foie, ses œufs et sa langue sont eux-mêmes considérés comme des mets très raffinés.
Il est abondamment travaillé à l’Institut culinaire de Norvège à Oslo (dont l’un des élèves, le jeune chef cuisinier Geir Skeie, a remporté en France le Bocuse d’Or 2008).
Plusieurs grandes associations de chefs inscrivent chaque année le skrei sur leur carte : Euro-Toques, Jeunes Restaurateurs d’Europe, Maîtres cuisiniers de France, Disciples d’Auguste Escoffier.
A l’instar du beaujolais nouveau en novembre ou de l’agneau à Pâques en France, le skrei est un produit de saison et est à l’origine d’un des plats nationaux norvégiens, préparé et dégusté entre janvier et avril, le traditionnel Skreimølje, recette à base de skrei frais, de son foie et de ses œufs cuits séparément au court-bouillon. Le poisson est servi avec des pommes de terre cuites à l’eau.
Nutrition et santé : le skrei est l’un des poissons les plus maigres car il stocke ses graisses superflues dans son foie et non dans ses muscles. Riche en protéines, vitamines (notamment vitamine D), sels minéraux et oméga 3, il constitue un aliment sain et complet.
Voir Cabillaud.