Thé à la menthe : Le thé à la menthe (en arabe standard moderne شاي بالنعناع (chāï binna‘nā‘) ou, plus communément, en arabe maghrébin أتاي (it-tāy), لأتاي (latāy) et en berbère ⴰⵜⴰⵢ, atay) est une boisson chaude réalisée à partir de feuilles de thé et de feuilles de menthe, originaire du Maroc. La consommation du thé s’est étendue par la suite dans le reste du Maghreb mais également en Afrique subsaharienne et à l’Afrique de l’Ouest du fait de la colonisation et des flux de population.
Depuis l’Antiquité, la menthe a été utilisée dans tout le pourtour méditerranéen comme infusion, décoction ou en phytothérapie. Cette herbe aromatique a été fortement consommée en Algérie comme traitement et prévention contre le choléra qui avait touché le pays de 1835 à 1865.
Consommation : Le thé à la menthe est traditionnellement consommé tout au long de la journée. On prête à ce breuvage un grand nombre de vertus, notamment toniques et digestives. C’est la boisson de l’hospitalité, servie aux invités et elle ne se refuse pas. À la différence de la cuisine, faite par les femmes, le thé est très souvent une affaire d’homme : généralement préparé par le chef de famille.
Histoire : Bien qu’il soit aujourd’hui devenu un élément central de la vie sociale au Maghreb, le thé à la menthe est, en fait, historiquement assez récent.
Dans un compte-rendu commercial du IX siècle, Soliman, un marchand arabe, raconte ses expéditions en Chine et fait mention du thé comme d’une herbe presque sacrée, dont l’importance est essentielle dans la société chinoise : c’est la trace écrite la plus ancienne, en dehors de textes chinois, que l’on ait sur le thé. Passant par le Pakistan, l’Iran, la péninsule arabique et la Turquie, le thé arrive jusqu’en Égypte vers le XVIe siècle. Mais sa progression s’arrête là et il ne traverse pas le désert de Libye.
Le thé vert de Chine fut introduit la première fois au Maghreb au XVIIe siècle à la cour du sultan Moulay Ismail (1672-1727), mais ce n’est qu’à partir de la fin du XVIIIe siècle, lorsque la Compagnie britannique des Indes orientales achemina vers les ports de l’Atlantique avec de grandes quantités de thé vert à son bord. Peu à peu, l’usage du thé commença à se répandre dans les cuisines. Au milieu du XIX siècle, les Anglais étaient confrontés à la perte des marchés slaves après la guerre de Crimée, Ils cherchaient de nouveaux débouchés. C’est vers le Maroc, et plus précisément les ports de Mogador (aujourd’hui Essaouira) et de Tanger, qu’ils se tournèrent pour écouler leurs stocks.
À cette période, les puissances coloniales vont en effet étendre et moderniser la production de thé dans leurs colonies d’Asie. Les Britanniques avait introduit la culture du thé en Inde, les Français la développèrent en Indochine et les Néerlandais en Indonésie. Cette mutation augmenta considérablement la production du thé, cette plante n’était alors plus une denrée rare, son prix baissa et devint accessible à toutes les couches de la population. La boisson la plus répandue au Maghreb jusqu’alors était l’infusion de feuilles de menthe, parfois d’absinthe, et il semble que le thé ait reçu un accueil favorable des populations, car, mêlé aux feuilles, elle en diminuait l’amertume sans en dénaturer le goût, ni la couleur.
Petit à petit, un cérémonial se mit en place, et tout un folklore, ainsi qu’un artisanat, se développa autour de cette nouvelle consommation devenue la boisson nationale par excellence. À tel point qu’aujourd’hui, le thé vert à la menthe apparaît, à première vue, comme une tradition immuable remontant aux débuts de l’Histoire. Grâce aux populations nomades, le thé se diffusa rapidement dans tout le Maghreb, puis dans toute l’Afrique de l’Ouest et enfin en France qui était alors la puissance coloniale.
Depuis, offrir du thé à la menthe fait partie des règles de savoir-vivre, non seulement au Maroc, mais aussi dans d’autres pays du Maghreb. Dans chaque région, on le prépare d’une façon légèrement différente : plus ou moins de sucre ici, des pignons de pins là, comme en Tunisie, avec une feuille de menthe dans le verre… chaque région du Maghreb s’est fait sa propre recette.
Préparation et service : Sa préparation et son goût varient en fonction des régions du Maghreb mais, en règle générale, il est plus corsé dans les régions désertiques. Il remplace alors le café. Dans certaines régions, on y ajoute quelques pignons de pin, de la sauge, de la verveine, du miel, de la cannelle, etc. La menthe est habituellement la menthe ou nanah, commune au Maghreb. Par ailleurs, notamment en hiver quand la menthe est rare, il arrive qu’on la remplace par des feuilles d’absinthe (chiba ou ch’hiba en dialecte maghrébin), qui donnent au thé une amertume très prononcée.
Le thé est préparé à partir de thé vert et d’une botte de menthe verte fraîche, ainsi que d’une grande quantité de sucre. La théière est tout d’abord ébouillantée. On y ajoute ensuite le thé que l’on « nettoie » en y mettant une petite quantité d’eau bouillante que l’on jette après l’avoir laissé une minute dans la théière. Après y avoir mis le sucre et la menthe, on remplit la théière d’eau bouillante et on laisse infuser deux à trois minutes. On remplit alors deux à trois fois un verre que l’on reverse aussitôt dans la théière, de façon à oxygéner l’eau et donner plus de goût à l’infusion. Il s’agit ensuite, en goûtant périodiquement le thé dans un verre, de déterminer le moment où l’infusion est parfaitement réalisée. On rajoute éventuellement du sucre et de la menthe, si le thé en manque.
Le thé est alors servi en tenant la théière assez haut, afin de déposer une fine corolle de mousse en haut des verres. La présence de la mousse (en marocain koukoussa) est considérée comme un signe de la réussite de l’infusion. Plus prosaïquement, ce mode de service permet d’oxygéner et donc d’accroître le goût du thé.
Traditionnellement, le thé est servi trois fois. La particularité de son service est due au fait que l’on conserve les feuilles de thé et de menthe verte dans la théière, qui continuent à infuser. Au fur et à mesure des services, la boisson obtenue change de saveur et d’aspect (léger au premier, équilibré au second, très astringent et amer au dernier).
Quelques feuilles de menthe son parfois ajoutées dans les tasses à thé pour la décoration.
Culture populaire : « Le premier verre de thé est aussi doux que la vie. Le deuxième est aussi fort que l’amour. Le troisième est aussi amer que la mort ». Proverbe touareg à propos du thé.